‘Relier un livre c’est aussi un peu redonner vie à son histoire.‘ me confie Cécile, tout en me présentant ces quelques livres de Paul Verlaine, marqués par le temps. ‘Ils sont très précieux à mes yeux: ces ouvrages, ce sont ceux de mon grand-père, qu’il avait offerts à ma grand-mère peu après leur rencontre.‘
Cécile et moi, nous nous connaissons depuis 2012. L’époque où elle avait fait appel à mes services photographiques pour immortaliser son mariage. Résidents du même quartier de Neudorf – Strasbourg, nous avons le plaisir de nous recroiser de temps en temps. Et c’est en échangeant les nouvelles que j’ai découvert sa grande passion pour la reliure.
Interview de Cécile Coyez, une relieuse aux multiples casquettes.
L’Oeil du Phoenix: Coucou Cécile, content de te revoir! Je vois que tu as plein de beaux livres qui n’attendent que tes doigts de fée pour retrouver une seconde jeunesse. Mais avant d’aller plus loin, pourrais-tu te présenter en quelques mots?
Cécile Coyez: Hello Khanh. Effectivement, plusieurs chantiers en cours! Dont une belle surprise pour toi, que je te remettrai en fin d’interview. Alors, par quoi commencer… Pendant 12 ans j’ai travaillé dans les Affaires Européennes. J’y ai fait du lobbying, du Conseil Réglementaire aux entreprises et enfin de la Communication institutionnelle au Parlement Européen. Fin 2014, j’avais l’impression d’avoir fait le tour. J’avais accompli tout ce dont je rêvais, y compris le « Graal »: travailler pour une Institution Européenne! Mais de plus en plus je ressentais le besoin de produire quelque chose, ne plus être dans l’abstraction, je rêvais de trouver un métier qui puisse être utile: rendre les gens heureux. Je suis parti du Parlement Européen sans idée de reconversion établie, simplement celle de m’ouvrir à d’autres voies. Par hasard, un ami m’a parlé d’un stage de reliure. J’avais le temps. Ne sachant pas du tout de quoi il s’agissait, je m’y suis inscrit. Pour voir.
LOP: Et que s’est-il passé? Attends que je devine… La grande révélation?
CC: Quand j’ai pénétré pour la première fois dans un atelier, j’ai été fasciné par les machines, les mêmes que celles utilisées depuis des siècles par d’autres artisans. Par le toucher des matières – papier, cuir, toile… Il y a aussi ce vocabulaire technique totalement opaque « Après la plaçure, il faut grecquer les cahiers puis les coudre, endosser le corps d’ouvrage et faire les mors ». J’ai voulu approfondir. Apprendre ces gestes, ce savoir-faire.
LOP: Pourquoi cette telle fascination pour la reliure?
CC: Un livre, c’est un moyen simple et beau de rendre les gens heureux. On entretient souvent un rapport affectif aux livres, que ce soit à son contenu ou à l’objet, son histoire. Relier un livre, c’est alors aussi lui rendre hommage, lui donner une seconde vie. Je ne fais pas de restauration traditionnelle, beaucoup d’artisans sont beaucoup plus qualifiés que moi pour cela. Je travaille donc de préférence sur des ouvrages qui n’ont d’autre valeur que pour son propriétaire. J’aime ce moment où l’on me confie un livre: il y a souvent beaucoup d’émotions qui transparaissent dans la manière de le présenter, pourquoi il nous a touché, pourquoi l’on souhaite le relier ou le réparer. A moi ensuite de trouver comment, par le choix des matériaux, couleurs ou techniques, poursuivre son histoire en respectant cette confiance qui m’a été accordée.
LOP: En quoi consiste ton métier aujourd’hui?
CC: Aujourd’hui ma situation professionnelle ressemble un peu au statut ‘C’est compliqué’ propre à Facebook (rires). Mais j’y travaille! En Juin 2017 j’ai passé mon CAP Art de la Reliure – Dorure après avoir été formée à l’atelier de Maurice Salmon avec l’association Libr’Odysseae. La majorité du temps cependant, j’enseigne en Ecole de Communication, Ecole de Commerce ou encore dans une Ecole d’Ingénieur. Je travaille en parallèle dans un commerce. Bien qu’éclectique, cette diversité me plaît: elle est complémentaire et m’offre le luxe d’une liberté assumée, celle de travailler avec et pour des gens que je choisis, sur des projets intéressants et motivants.
LOP: Où te vois-tu dans 3 ans? Et dans 10 ans?
CC: Je ne me vois pas relieuse à plein temps, je n’en ai ni les qualités, ni la patience. En revanche, je réfléchis à créer mon prochain métier avec un dosage subtil d’animations pédagogiques, de contact humain, de valorisation d’artistes et de création… Un métier également où je cultiverai cette liberté d’être étonnée, passionnée et en constante évolution.
LOP: S’il fallait te résumer en 3 mots, lesquels seraient-ils?
CC: Hyperactive, curieuse et enthousiaste!
CC: J’ai non pas une, mais deux belles surprises à t’offrir! Ce carnet noir et blanc que j’ai voulu comme un clin d’oeil à la thématique de ton blog Carnet de route d’un photographe 2.0. Et ce mini livre d’inspiration asiatique, au vu de l’actualité (NDLR l’interview a été réalisé peu de temps après le Têt, Nouvel An vietnamien – mes origines).
LOP: Waouh, que de belles intentions je suis touché! J’en prendrai grand soin, j’ai d’ailleurs déjà ma petite idée quand à leur usage. Merci à toi pour ce bel après-midi riche d’enseignement!
CC: Je t’en prie Khanh, à bientôt.
Retrouvez sans plus attendre l’histoire passionnante qui se cache derrière chacun de ces ouvrages via son Instagram et en vous abonnant à sa page Facebook. Faites moi également part de vos impressions dans les commentaires: ce que sa passion pour la reliure vous a inspiré ou peut-être même des similarités avec la vôtre? En tout cas, je dois avouer que son parcours et sa passion m’ont particulièrement touché car ils font pleinement écho aux miens.
Je vous invite à découvrir d’autres belles histoires à travers mon blog, mon travail à travers ma page Facebook. Et pourquoi pas me confier votre propre histoire?
A bientôt pour de nouvelles aventures!
Merci pour ce moment, j’ai beaucoup aimé partager avec toi un peu ce monde fascinant de la reliure ! Merci aussi pour la sensibilité qui ressort de tes photos, je suis touchée! Longue et belle vie à ton projet 🙂
Plaisir partagé! Ravi de voir que tu te retrouves pleinement dans cet article. Merci pour tes encouragements et le meilleur également pour tes projets actuels et à venir 🙂
Très bel article on ressent toute la passion. Les photos sont très belles. Mon père récupérait des vieux livres et les faisait relier. C’était magique cette transformation alors cet article me parle.
‘Magique’: je suis complètement d’accord avec vous, le terme employé est très juste. C’est effectivement toute cette étape de transformation propre aux métiers artisanaux comme les nôtres qui font le charme de notre profession. En plus, l’avantage de la photographie – à l’ère du numérique, c’est de pouvoir comparer très précisément le produit avant et après avoir effectué toutes les étapes de corrections. Merci beaucoup Michèle pour votre retour, et n’hésitez pas à suivre mon blog pour découvrir d’autres métiers passions!
bravo pour cet article et pour ce blog. Je connais un peu Cécile, quand elle se lance dans un projet, elle le fait très bien et jusqu’au bout. Je suis admirative de sa façon de faire, qui semble si naturelle et qui pourtant est le fruit de gestes faits et refaits et d’une imagination sans limite.
Merci Marie Christine, tu me fais rougir…on a chacune notre manière d aborder ce savoir faire, se l approprier et c’est ce qui fait en fait la richesse ! Mais, j’ai effectivement besoin de beaucoup faire et defaire 😉 et tellement encore à apprendre !
Merci beaucoup pour vos encouragements Marie-Christine! En effet, je ressens en Cécile beaucoup d’implication dans tout ce qu’elle fait, et de coeur à l’ouvrage en s’exprimant à travers cet art qu’est la reliure. C’est beau à voir: voilà une personne inspirante!
Superbe article et très belles photos
Merci bien Marie-Pierre!
Moi qui A-D-O-R-E me plonger dans les (vieux) bouquins je ne peux que te remercier de nous faire découvrir ce métier/passion. J’ose à peine imaginer la précision et la minutie que doit demander cet art, c’est magnifique.
Je t’en prie Coralie, c’est le but de mon blog: mettre sur le devant de la scène tous ces gens talentueux comme Cécile qui n’ont que de belles richesses à proposer! J’espère que cet article donnera au plus grand nombre l’envie de lui confier leurs précieux ouvrages, abîmés par le temps, pour leur donner une seconde jeunesse, tout en préservant le plus important: leur âme.